mardi 13 juillet 2010

Les jeunes tunisiens et les valeurs

Le discours sur la perte des valeurs parmi les jeunes tunisiens fait recette. On accuse souvent les familles de cette déliquescence de la morale. Ce genre de propos, au-delà de son aspect ringard, est complètement démenti par de nombreux indices sociologiques relatifs à cette question. Est-il possible de vivre sans valeurs, sans modèles ni principes de référence qui expliquent et guident les actions de chacun et aident à la compréhension du monde dans lequel on vit ? La vraie question n’est pas d’avoir ou ne pas avoir de valeurs, mais plutôt de savoir la nature de ses valeurs, comment elles sont transmises et dans quel espace. Certains ont schématiquement identifié trois pôles où les valeurs se construisent et se transmettent : l’environnement culturel public, l’environnement familial et l’environnement social. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut tout excuser et ne jamais sanctionner le jeune quand il contrevient à la loi. Mais nier et ne pas préciser la responsabilité de chacun de ces trois pôles dans les phénomènes d’incivilité et de délinquance juvénile serait se voiler la face et ne pas tenir à l’épreuve du terrain.
De nombreux «faits de société» qui régulièrement font la une des journaux tunisiens montrent que le travail de transmission des valeurs d’autonomie, de responsabilités développées dans la plupart des institutions éducatives n’est pas facile. Mais aussi à un autre niveau, comment les valeurs liées au travail peuvent-elles tenir face aux informations liées au chômage ? Celles du mérite et de l’effort récompensés sont aussi, dans ce sens, mises à mal. Quel poids peut avoir auprès des jeunes un modèle collectif et altruiste permettant une société où chacun a sa place et où chacun est soutenu et protégé en face d’un pragmatisme auquel adhèrent nombre de jeunes en difficulté, où dominent l’action, l’efficacité, la rentabilité et le «chacun pour soi». L’idéal individualiste et libéral, la loi de la jungle vient percuter l’idéal républicain de fraternité, d’égalité et de solidarité. Cela n’a rien d’inéluctable. Un travail sur l’amélioration du fonctionnement des institutions concernées par la socialisation des jeunes, sur un soutien aux familles et sur les moyens à mettre en oeuvre pour que la rue ne tende plus vers la jungle seraient aussi des moyens nécessaires pour responsabiliser davantage les jeunes sans démagogie.