samedi 17 juillet 2010

Pour une sociologie de l’opposition radicale en Tunisie





Selon les acteurs de l’opposition radicale, le radicalisme et l’extrémisme constituent une entreprise originale en matière de rénovation politique. Soit. L’entreprise est de taille. Mais, ils omettent de dire que le ramassis idéologiquement et politiquement hétérogène qui constitue cette opposition artificiel et de circonstance et qu’il a à résoudre plusieurs questions pendantes. Et la première d’entre elles comme l’explique une figure emblématique du « Mouvement Ettajdid », dans une très remarquée analyse parue dans l’organe de son parti, a trait aux aléas d’un projet qui « veut réaliser une synthèse unitaire de sensibilités différentes dans une cohabitation originale de militants venus d’horizons divers et qui est appelé à bannir les anciennes cultures de l’intolérance de l’exclusive, de l’exclusion ou de calculs de rapports de force ». Rien que cela.

Les animateurs de l’opposition radicale n’ont aucunement réussi cette révolution culturelle, mentale et psychologique, condition sine que non seulement au succès de l’entreprise mais surtout à sa durée. La gageure politique et idéologique est énorme. Tant il est vrai que, comme cela a très lucidement analysé, « cette équation ne peut être résolue par la seule bonne volonté des uns et des autres constamment menacés et bousculés par les vieux réflexes qui peuvent se transformer en démons diviseurs au nom d’une prétendue vérité ou d’une simple opinion contraire à celle des autres ». Tout le problème est là en effet !

Les animateurs de l’opposition radicale croient disposer du bâton de Moise et s’assimilent à «l’attendu Mehdi des chiites». Ils s’entêtent tout simplement à continuer leur «alliance» avec le courant islamiste d’En-nahdha. Ils refusent d’affirmer que le débat démocratique est une chose, alors que l’alliance à tout prix en est une autre. Que le mouvement En-nahdha dise se rallier à la règle de l’ «alternance pacifique » et s’abstenir de toute violence, qui s’en plaindrait ? Mais, pour que ce mouvement ait sa place au sein de la famille démocratique, il faudrait qu’il renonce à son projet d’Etat islamique dont on connaît les redoutables conséquences pour la démocratie et les droits humains. Ce qui n’est ni possible ni pensable. L’on sait que, les islamistes tunisiens acceptent tactiquement tout, mais ne renoncent à rien. Il ne s’agit pas d’une tactique du double langage, comme certains le leur reprochent, mais d’une politique double qui assume les deux volets : le démocratisme de circonstance et la fidélité à l’identité intégriste de l’islam politique. Finement théorisée, cette politique est légitimée par «la nécessité» (dharoura). L’alliance contre-nature avec les « démocrates » apparaît ainsi pour ce qu’elle est : une démarche dérogatoire pour faire face à une situation d’exception. En dehors de cela, l’identité est sauve et le programme d’islamisation de l’Etat et de la société est intégralement maintenu. Enfin, à supposer que l’on ne puisse ainsi complètement fonder en raison ce qui serait une entorse à un principe républicain, au moins peut-on admettre qu’entre deux impératifs contradictoires l’alliance de circonstance et la fidélité à une ligne politique, il faut aujourd’hui choisir les yeux ouverts. Les alliances contre-nature sont préjudiciables à l’avenir de la démocratie dans notre société.